La croisade des enfants (titlul original: Cruciada copiilor)
traducere de Marily Le Nir
De Florina Ilis, paru aux éditions Syrtes, “La croisade des enfants” est un roman qui ne laisse pas indifférent. Par son style d’abord, incisif, cassant, inquiétant, et en même temps empreint d’une tendresse évidente et truffé d’allusions plus ou moins ironiques qui le rendent d’autant plus vivant et poignant. Et par son récit ensuite…
Cette “Croisade des enfants” se déroule en Roumanie et nous met en présense d’un groupe d’enfants en partance pour une colonie de vacances au bord de la mer Noire en tarin. Jusqu’ici rien d’anormal. Les esprits sont à la fête et on sent chez ces jeunes personnes l’excitation du départ mêlée à un peu d’appréhension bien naturelle. Tout se gate pourtant lorsque des écoliers, issus de milieux sociaux assez éloignés les uns des autres et entraînés par le jeune Calman “Tsigane blond à la peau blanche”, décident d’un commun accord de dêtouner ce train. Arrêtés et isolés en pleine campagne, tous ces enfants vont alors s’organiser une vie un peu en autarcie et surtout opposer une farouche résistance aux forces spéciales venues de Bucarest pour les ramener à la raison. La situation se complique encore lorsque les médias s’emparent de cette afaire pour en faire leurs gros titres et semer le trouble dans les esprits bien pensants de la population roumaine. Tour à tour ces enfants vont être assimilés à des terroristes, puis à des malfrats sans que quiconque n’essaie d’entendre la véritable raison de leur rébellion. La situation ne va faire qu’empirer, poussant ces enfants à s’opposer les uns aux autres jusqu’à ce que les autorités roumaines reprennent finalement le contrôle des événements non sans causer quelques drames, malheureusement!
Par son sujet, lourd et par moments difficilement supportable, l’auteur roumain Florina Ilis nous dépeint une page de ce qui aurait pu être partide prenante de l’Histoire de son pays avec une franchise déconcertante. Sa narattion, à plusieurs voix et semblant suivre un fil jamais interrompu, accentue encore ce sentiment d’irréalité et d’impuissance associé. On se dit que la demande de ces enfants qui veulent simplement voir disparaître les orphelinats et les maison d’accueil va bien finir par être entendue. Mais, hélas! Ce n’est pas le cas. Le monde des adultes est cruel et sans scrupules. Ce roman nous en offre encore la confirmation si besion…C’est beau. C’est fort. Et absolument bouleversant!
ecrit par Martine Galati
paru Mardi 26 Janvier 2010, Dauphine libere
Train d’enfer
Dans une fresque intense et encyclopédique, Florina Ilis révèle la déliquescence de la Roumanie post-communiste. Hallucinant.
Est-ce par antiphrase que ce roman étonnant est ainsi titré? On sait l’échec que fut cette croisade insensée au Moyen Âge, et l’on n’est pas sûr qu’elle soit ici inspiré par un quelconque Dieu des enfants…Car à l’ocassion du départ d’un train vers les plages de la mer Noire, la simplette odyssée bascule dans l’imprévu, dans l’horreur. Autour de quelques dizaines de bambins et ados, une sympathique et prometteuse colonie de vacances entraîne la Roumanie entière dans son sillage dévastateur.
Selon une succession aléatoire et récurente, ou parfois par association d’idées, on passé d’un paragraphe à l’autre, d’un personage a l’autre, paragraphes terminés par une virgule et dont le flux paraît ne jamais devoir s'arrêter. Ainsi, peu à peu, le strates de la société roumaine sont visualisées, comme par une parfaite et immense coupe. Coupe également à traves chaque protagoniste en quelque sorte radiographié. On plonge dans la psyché de ceux qui amènent leur rejeton et quittent le quai de la gare, de ceux qui prennent ce train, enfants, profeseurs accompagnateurs, croyants et athées, dont un clandestin de 12 ans: Calman…Et ceux qui gravitent autour de l’action, depuis une sorcière tzigane en passant par un concepteur de sites web, un “Baron” de la pègre, un député corrompu, un chef de la pólice…Au point qu’ils paraissent nous livrer tous les secrets de leur passé, de leur vie, sinon de leur futur. Pavel, le journaliste et rédacteur en chef, peut-être la métaphore de l’auteure, s’est écarté de son père, parfait ouvrier du communisme, pour dénoncer les failles du régime de Ceausescu. Puis pour traquer les scandales politiques et les réseaux de la prostitution d’enfants abandonnés. Promesse d’un avenir meilleur, il est confronté à la déliquescence générale de la Roumanie. Il sera celui qui comprend le premier la portée de l’événement, le premier converti par cette croisade. Ne serait-ce que cette plongée dans les composantes individuelles d’un pays par un redoutable narrateur omniscient, ce libre serait déjà à retenir.
Mais Calman, le blond tzigane, va jouer un rôle prépondérant: il engage les gosses dans “des stratégies de conquête du train”, enfermant les profs dans leur compartiment. Ils développent alors une vie en marge des règles adultes et changent la colonie de vacances attendue en anarchie charmante, puis délinquante, aux dépens de ceux qui représentent l’autorité parentale, pédagogique et politique, mettant presque en déroute le pouvoir, y compris de l’armée. Peut-on croire à “la pureté des petits monstres qu’ils ont mis au monde”? L’hypothèse terroriste, les armes trouvées par les mutins qui “jouent à la guerre”, puis l’irruption des cohortes des enfants des rues affolent l’opinion publique et les médias, ébahis par les victimes et les revendications de ceux qui veulent être pourris de cadeaux, mais aussi “un parlement des enfants”. Dans le cadre du réalism, le crescendo devient hallucinant.
L’ironie, le sens de la narration et la culture aussi rayonnantre qu’acérée de Florina Ilis Font merveille, éveillant chez le lecteur mille étages de réflexion. Qu’est-ce qu’ ”Order of innocence”: un virus informatique, un site polarisant les fantasmes, ou le génie du mal inhérent aux plus jeunes? Plus encoré que dans Sa majesté des moches de William Golding, l’enfance est ici démythifiée. La limite entre les jeux vidéo, Harry Potter, Eminem (héros adulés) et la conquête du pouvoir réel est gaillardement franchie. De plus, le roman-somme affirme ici sa vocation à figurer, interpréter et interroger le monde, en un examen à la fois social, satirique et métaphysique, jusqu’au “mysticisme délirant”.
Image du chaos postcommuniste et de la condition parfois exécrable des jeunes Roumains, de la dégringolade des utopies, ce vaste apologue est bourré de talents jusqu’à la gueule. Au point que notre conception de la nature humaine en est ébranlée.
ecrit par Thierry Guinhut, La Matricule des Anges
Février 2010
Program: 20 de autori
Autor: Florina Ilis
Editura: Editions des Syrtes
Gen: Proză
Limba: franceză
Tip apariţie: Carte
An: 2010
Ţara: Franța